Nos pensées formulées en termes négatifs obscurcissent notre humeur, l’estime que nous nous portons, la confiance que nous pouvons avoir en nous et sur l’ensemble de nos perceptions.
Les pensées négatives contaminent notre vision du monde
Elles sont la cible privilégiée des psychologues en psychothérapie. « Elles », ce sont les croyances défaitistes ou catastrophistes qui d’expriment dans le discours de nos patients et dont une grande partie du travail en psychothérapie consiste à leur faire prendre conscience. Ces croyances se retrouvent dans un monologue intérieur dont les mots sont systématiquement négatifs, tour à tour accusateurs ou limitants.
Le langage négatif agit comme une loupe en entretenant une vision pessimiste et décourageante. Il maintient les personnes dans le cercle vicieux de l’impuissance acquise. Une fois les pensées négatives identifiées, une grande partie de la thérapie consistera à assouplir les croyances dont elles rendent compte pour encourager la découverte de solutions plus constructives, mais également pour apprendre à mieux gérer les émotions qui les accompagnent. Au bout de ce chemin vers le changement, se trouve pour la possibilité de restaurer l’estime et la confiance en soi, mais aussi le sentiment de compétence et d’efficacité personnelle.
Les pièges des mots
Le langage intérieur négatif colore nos attentes et notre vision du monde, du futur et de nous-même. Les psychologues ont montré que des pensées négatives occupent environ 1/3 de notre esprit, contre 2/3 de pensées positives ou neutres. Lorsque cet équilibre naturel se rompt au point que la proportion s’inverse, la souffrance psychologique n’est pas loin parce que les perspectives futures et les pronostics s’assombrissent.
Prenons l’exemple d’une journée de travail difficile et de deux pensées que vous pourriez avoir face au stress. De manière négative vous pourriez penser : « Je ne vais jamais voir le bout de cette journée ». Dans cette modalité, votre attention se focalise sur les difficultés. La journée s’étire et n’en finit pas de prolonger vos angoisses. Plus positivement, vous pourriez vous dire : « Encore un effort, et je rentre me mettre tranquillement au chaud à la maison ». En adoptant cette alternative, les difficultés du moment ne s’effaceront pas, mais vous les aborderez avec plus de confiance et l’angoisse s’atténuera. Il est même possible que votre notion du temps se modifie et que la journée vous donne l’impression de s’écouler plus vite, contenant l’espoir d’un meilleur lendemain mais surtout d’une belle soirée en perspective .
Soyez rassurés pour être plus efficaces
Le même conseil prévaut lorsque nous nous exprimons à voix haute : le langage positif est largement plus adapté. Des phrases telles que “Ne stressez pas”, ou encore “Vous n’aurez pas mal” prononcés par un psychologue ou un médecin risquent de produire l’effet inverse à celui qui est recherché.
Veiller à employer un langage positif suggère à la personne ce qu’elle peut faire plutôt que ce qu’elle doit ne pas faire : “Sois rassuré” vaut ainsi mieux que “ N’aie pas peur”. Dans bien des circonstances, cette façon de s’exprimer peut également s’accompagner d’un changement de perspective en amenant à faire ressortir ce qui est aussi positif dans une situation.
Pour l’illustrer concrètement, prenons le cas d’une jeune femme qui a démissionné suite à un harcèlement moral avec intimidation de la part de son employeur. Quelques mois plus tard, elle se met en quête d’un nouvel emploi. Si son entourage lui rappelle sans cesse qu’elle doit être méfiante, qu’il ne faudrait pas qu’elle tombe à nouveau sur un mauvais patron, tous ses efforts, tous les changements qu’elle a initiés pour remédier efficacement à sa situation risquent d’être réduits à néant. Sa recherche d’emploi, plutôt qu’être vue comme un espoir, risque d’être source d’angoisse. Savoir qu’elle a été victime et être reconnue comme telle est important. Mais sa situation a changé. Elle a repris le contrôle, regagné son autonomie et surtout son pouvoir.
Un langage positif visera donc plus à réhabiliter cette jeune femme. Il ne s’agit pas de mentir en peignant un tableau idéal ou en masquant la réalité, mais de valoriser l’effort, la recherche de solutions, les ressources et les compétences plutôt que les expériences malheureuses du passé, les erreurs et les points faibles par des critiques aussi inutiles que dévastatrices.
Le principe de Pollyanna
Adopter un langage positif est d’autant plus efficace que les humains ont un biais de positivité qui les y rend réceptifs. Ils ont tendance à se souvenir plus facilement des évènements positifs que négatifs. Mieux encore, même en étant impliqués dans une situation négative, nous avons tendance à changer la situation dans notre souvenir pour lui donner une coloration positive. C’est peut-être ce que nous appelons « tirer les leçons du passé » : notre propension à stocker en mémoire les éléments positifs d’une situation pourtant désagréable.
Les chercheurs en psychologie appellent cet effet « le principe de Pollyana ». Pollyana est l’héroïne d’un roman d’Eleanor H. Porter. Orpheline, elle est envoyée vivre chez une tante sévère et amère. En réaction, la petite Pollyanna développera une faculté de se concentrer sur l’aspect positif des choses, lui permettant de résoudre et d’affronter toutes les situations. Mieux encore, l’enfant, en voyant le meilleur chez les autres était capable de les changer.
De nombreuses recherches ont été conduites en psychologie sur le biais de positivité. Parmi celles-ci, Peter Dodds et ses collègues ont montré que le principe de Pollyana était médiatisé par le langage. En étudiant plus de 100 000 mots dans 10 langues différentes, ils ont montré que les messages que nous émettons, y compris sur les réseaux sociaux, sont le plus généralement positifs et que leur poids émotionnel est également clairement positif.
Rester sur un registre agréable, sans verser dans l’optimisme délirant qui nous ferait voir à tort la vie en rose, permettrait donc de vivre plus heureux et mieux connectés aux autres.
Sources
Dodds, P. S., Clark, E. M., Desu, S., Frank, M. R., Reagan, A. J., Williams, J. R., ... & Megerdoomian, K. (2015). Human language reveals a universal positivity bias. Proceedings of the National Academy of Sciences, 112(8), 2389-2394.
Racle, G. (1993). Le principe de Pollyanna ou la vie en rose. Communication & Langages, 97(1), 38-45.
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